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30 septembre 2007

Niger/Moussa Kaka : Lettre de Pius Njawé à Mamadou Tandja.

Envoyé par : "Association de la Presse Panafricaine (AP" presseafricaine@yahoo.fr   presseafricaine Mardi 30. Octobre 2007  2:31

drapeau_du_nigerLETTRE OUVERTE A SON EXCELLENCE MAMADOU TANDJA, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DU NIGER

Par Pius N. NJAWE

Monsieur le Président de la République,

Il y a 35 jours, mon confrère Moussa Kaka, directeur de Radio Saraouniya à Niamey et correspondant de Radio France Internationale (RFI) dans votre pays, était arrêté et jeté en prison. Alors que nous en étions encore à nous interroger sur les raisons profondes de cette arrestation pour le moins curieuse, voici qu’un autre confrère est arrêté à son tour : Ibrahim Manzo Diallo, le directeur de publication du bimensuel Aïr Info à Agadez.

Si Moussa Kaka a été inculpé pour « complicité de complot contre l’autorité de l’Etat », Manzo Diallo continue d’être détenu sans inculpation, et donc illégalement. Tout ce que nous savons jusqu’ici, c’est qu’il avait été arrêté le 9 octobre à l’aéroport de Niamey, sous prétexte que son billet d’avion était payé par la rébellion
touareg, alors qu’il se rendait en France pour des raisons professionnelles.

Monsieur le Président de la République,

J’ai espéré que face à la légèreté des accusations portées contre Kaka, et à l’absence de charge contre son codétenu Manzo Diallo, vous useriez de votre pouvoir discrétionnaire pour ordonner leur libération. J’ai
espéré que les arguments juridiques qui plaident largement en leur faveur interpelleraient la conscience de vos magistrats et qu’ils restitueraient leur liberté à nos confrères. J’ai espéré que la mobilisation internationale autour de leur libération ferait fléchir votre gouvernement. J’ai tant espéré que la raison démocratique prendrait assez vite le pas sur la raison du plus fort. Espoir déçu, mais peut-être – je l’espère - pas encore perdu.

35 jours après le début de cette escalade contre la presse, nos confrères sont toujours derrière les barreaux. Sans jugement et, comble d’imposture judiciaire, sans charge contre Diallo. Pire, il me revient que Moussa Kaka encourt un emprisonnement à vie si le tribunal venait à le reconnaître coupable des faits dont il est accusé.

Si donc je me permets de vous écrire aujourd’hui, Monsieur le Président de la République, c’est pour joindre ma modeste voix à celles, déjà si nombreuses, de célébrités et d’anonymes aux quatre coins de la planète,
pour demander la libération immédiate et sans condition de Moussa Kaka et d’Ibrahim Manzo Diallo. Il s’agit, non pas d’une voix de trop -encore qu’aucune voix de saurait être de trop dans cette bataille -, mais d’un témoignage nourri d’expériences qui montrent que les libertés démocratiques ne se laissent pas embastillées aussi facilement.

Monsieur le Président de la République,

Si de telles demandes vous inondent au fil de jours et de semaines, c’est parce que nos confrères n’ont commis aucun crime pour être ainsi embastillés ; ils n’ont fait, croyons-nous savoir, que leur travail de journaliste, en allant chercher l’information là où elle se trouve pour la livrer à leurs lecteurs et auditeurs. C’est pourquoi ils ont le soutien indéfectible et inconditionnel non seulement de la communauté des professionnels, mais aussi des démocrates et autres défenseurs des droits humains de par le monde. Et, croyez-moi,
cette pression ne baissera pas d’un iota tant qu’ils seront maintenus en détention. J’en veux pour preuve ma propre expérience : il y a une dizaine d’année, j’avais été jeté en prison pour une histoire de malaise cardiaque survenu au chef de l’Etat lors d’un match de football qu’il présidait. Les commanditaires de l’affaire se disaient alors, comme vous vous le dites certainement aujourd’hui, que l’opinion nationale et internationale se fatiguera très vite, que les « gesticulations stériles» des activistes s’estomperont et qu’au bout de quelques semaines je serais oublié dans ma cellule N°15 de la prison centrale de Douala pendant que eux continueraient à se la couler douce.

Que non ! Puisque dix mois après, les pressions avaient plutôt redoublé d’intensité. Les investisseurs commençaient à tourner le dos au Cameroun, et l’image du pays prenait chaque jour un sacré coup. Tant et
si bien que mes bourreaux, n’en pouvant plus d’avoir à répondre de mon cas à chacun de leurs voyages à l’étranger, durent m’accorder une grâce présidentielle que je n’avais pas demandée, ramenant ainsi mes deux ans de peine initiale à… dix mois !
C’est pour vous éviter d’avoir à vous retrouver plus tard face à un tel dilemme avec les cas de Kaka et Diallo, que j’en appelle à votre sens de l’honneur aujourd’hui. N’attendez pas d’être aussi ridiculisé que le fut Biya à l’époque, pour vous résoudre à libérer ces journalistes que personne n’a surpris, les armes à la main, sur un champ de bataille aux côtés de la rébellion touareg. Sous réserve d’éléments d’appréciation qui nous échapperaient encore, rien de sérieux ne saurait donc justifier leurs arrestations, et encore moins leur maintien en détention sans jugement. N’allez surtout pas croire, Monsieur le président de la République, que c’est en les maintenant en prison que vous les ferez taire, ou que vous vous attirerez leur sympathie. Au contraire ! Pour avoir été arrêté 126 fois dans l’exercice de mon métier de journaliste, je sais par expérience que c’est quand il est sur la bonne piste que le bon journaliste est persécuté ; alors il doit persévérer.

Monsieur le Président de la République,

Votre pays le Niger compte encore parmi les exemples de démocraties émergentes en Afrique. La démocratie nigérienne s’est construite patiemment, au prix de lourds sacrifices consentis par le peuple nigérien, sous l’éclairage de sa presse. N’oubliez jamais en effet, Monsieur le Président, le rôle prépondérant que cette presse, aujourd’hui vouée aux gémonies, a joué dans cette construction de la démocratie, et donc forcément dans votre accession au pouvoir.

Nous avons encore souvenance de la reconnaissance par votre Excellence, de la justesse du combat des syndicats qui, il y a quelques années, protestaient contre la vie chère dans votre pays. D’où vient-il
qu’aujourd’hui votre gouvernement se mette à ramer à contre-courant de ce qui était jusque-là considéré comme un acquis démocratique, à savoir la liberté d’expression sous toutes ses formes ?

Ne portez pas, pour une histoire de rébellion dont les coupables sont loin d’être des journalistes, la responsabilité historique d’être celui par qui la démocratie fait demi-tour au Niger.

Haute considération.
Douala
(Cameroun), 24/10/2007

Pius N. Njawé

- Directeur Général Free Media Group, D.P. du quotidien Le
Messager ;
- Plume d’Or de la Liberté (1993) ;
- Héros Mondial de la Liberté de la Presse (2000) ;
- Missouri Honor Medal for Distinguish Service in journalism
(2000) ;
- Ancien Membre du Groupe consultatif de l’Unesco pour la Liberté
de la presse ;
- Ancien Membre du Jury du Prix Mondial Unesco/Guillermo
Cano pour la Liberté de la Presse ;
- Président de l’Union des Editeurs de Presse d’Afrique Centrale ;
- Etc.

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